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Les travaux sur parties communes spéciales : qui les vote ?


Dans un souci de fluidité de la gestion et de l’administration des immeubles en copropriété composés de plusieurs bâtiments, il est possible, en leur sein, de procéder à une distinction entre les parties communes générales composées d’une infrastructure utile à tous (terrain assiette, voie d’accès…) et des parties communes particulières à chaque bâtiment, ne présentant d’intérêt qu’à l’égard des copropriétaires du bâtiment considéré (gros œuvre de chaque immeuble, installations propres du bâtiment)[1]

D’une manière plus générale, il est possible au sein des copropriétés d’envisager des parties et équipements communs utiles à tous et, inversement, des parties et équipements communs simplement utiles à certains copropriétaires.
Tel peut être le cas, par exemple, dans des immeubles plus anciens de corridors propres à certains lots, des toilettes situés sur un palier desservant plusieurs appartements etc.
Cette double répartition des parties communes sera effectuée par le règlement de copropriété, ce qui aura pour conséquence l’attribution à chaque lot de copropriété d’une quote-part des parties communes générales et d’une quote-part des partes communes particulières à chaque bâtiment[2].

Cette situation se traduit généralement dans l’état descriptif de division par la coexistence de tantièmes de copropriété dits généraux et de tantièmes de copropriété propres à chaque bâtiment.

Les quotes-parts de parties communes spéciales sont calculées, comme celles afférentes aux parties communes générales, c’est-à-dire ne fonction de la consistance, de la superficie et de la situation des lots, sans égard à leur utilisation[3]. Cette méthode n’est qu’indicative et peut ainsi être délaissée au profit d’une autre préférée par les rédacteurs du règlement de copropriété.

Ainsi lorsque qu’un individu achète un lot dans une copropriété comprenant des parties communes générales et spéciales, son titre de propriété portera les mentions suivantes :
 
Lot n°XX : Un appartement de 5 pièces composé d’un salon, …, situé au 4ième étage gauche de du bâtiment A et :
  • …/1000ièmes des parties communes générales de l’immeuble.
  • …/1000ièmes des parties communes spéciales au bâtiment A.
 

Cette affectation spécifique aura pour conséquence logique que les parties communes spéciales seront la propriété indivise des seuls copropriétaires de l’immeuble les comprenant[4].

Il en découle que l’institution de telles parties communes spéciales affectées de tantièmes particuliers créera une « propriété indivise entre les copropriétaires concernés excluant tout droit de propriété des autres copropriétaires sur cette partie commune et ce même en l’absence de syndicat secondaire »[5]Par conséquent, les décisions concernant ces parties communes spéciales, dont notamment les travaux les affectant, ne pourront être prises que par les copropriétaires ayant des droits sur elles.

Cette prise de décision interviendra en principe au cours d’assemblées générales spéciales[6]ou par spécialisation d’une question au cours d’une assemblée générale « ordinaire »[7].

Attention cependant, dans un arrêt du 6 février 2025, la Cour de cassation a rappelé le principe selon lequel, lorsque des travaux affectent à la fois des parties communes générales et des parties communes spéciales, leur autorisation relève de l’assemblée générale réunissant l’ensemble des copropriétaires[8].

En l’espèce, bien que les travaux impactaient des espaces verts et plantations situés au troisième étage, ils concernaient principalement une terrasse classée comme partie commune générale. La cour d’appel en a donc déduit, à bon droit, que la décision ne pouvait être prise uniquement par les copropriétaires des parties communes spéciales.

S’agissant de la répartition des charges de copropriété, il est indubitable que l’existence de parties communes spéciales induira une spécialisation de la répartition des charges.

Ainsi, en application de l’article 10 alinéa 2 de la loi du 10 juillet 1965, la répartition des charges relatives à la conservation, à l’entretien et à l’administration des parties communes se fera sur la base des valeurs relatives des parties communes comprises dans chaque lot telles que ces valeurs résultent des dispositions de l’article 5 de cette même loi.

Selon ces dispositions, les valeurs relatives sont fonction de la consistance, de la superficie et de la situation des lots dont la prise en considération peut justifier l’affectation d’une double quote-part de partie communes, l’une afférente aux parties communes générales l’autres concernant les parties communes spéciales, ce qui est le cas en l’espèce.

Cette double répartition des parties communes, débouchant sur la spécialisation des charges, est donc la conséquence normale de la création de parties communes particulières.

Ce principe a été réaffirmé par deux décisions de la Cour de Cassation qui soulignent que l’existence de parties communes spéciales dans le règlement de copropriété implique nécessairement une répartition des charges tenant compte de cette spécialité[9].

Ainsi les charges découlant des parties communes spéciales ne seront supportées que par les copropriétaires propriétaires desdites parties communes spéciales et inversement si une indemnité est due du fait de la destruction d’une partie commune spéciale, sa répartition sera effectuée entre les seuls copropriétaires ayant des droits sur ces parties communes spéciales[10]

La notion de partie commune spéciale étant à l’origine d’un important contentieux, la Loi n°2018-1021 portant évolution du logement et du numérique dite loi « ELAN » du 23 novembre 2018, complétée par son ordonnance du 30 octobre 2019, a posé une définition légale des parties communes dites spéciales. Cette définition reprend la définition établie au fil du temps par la jurisprudence.

Ainsi le nouvel article 6.2 de la loi du 10 juillet 1965, applicable depuis le 1er juin 2020, dispose que :

« Les parties communes spéciales sont celles affectées à l'usage ou à l'utilité de plusieurs copropriétaires. Elles sont la propriété indivise de ces derniers.
La création de parties communes spéciales est indissociable de l'établissement de charges spéciales à chacune d'entre elles.
Les décisions afférentes aux seules parties communes spéciales peuvent être prises soit au cours d'une assemblée spéciale, soit au cours de l'assemblée générale de tous les copropriétaires. Seuls prennent part au vote les copropriétaires à l'usage ou à l'utilité desquels sont affectées ces parties communes. »
 
L’article 6-4 de cette même loi précise que l’existence de ces parties communes spéciales doit être expressément mentionnée dans le règlement de copropriété et impose aux syndicats des copropriétaires de mettre en conformité leurs règlements de copropriété avec ces nouvelles dispositions.
 
[1] Civ 3e 6 nov. 1969  n°67-13817
[2] Civ 3e 21 février 1978 n°76-14288
[3] Art.5 L1965
[4] CA Paris 20 mars 1971, Chevalier c/Sté la GERANCE DE LA MADELEINE, Civ 3e 11 oct. 1995 n°94-11308
[5] Civ 3e 19 nov. 2014 n°13 18925
[6] TGI PARIS 12 mars 1984 D 1984 p381 (Art.6-2 L1965)
[7] CA Versailles 4ème Ch 23 sept 2002 Rev Administrer Février 2003 p.54 (Art 6-2 L1965)
[8] Civ 3ème du 6 février 2025, n°23-18.586
[9] Civ 3e 8 juin 2011
[10] Civ 3e  6 mai 2014 n°12-23810
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Me Benjamin NAUDIN est titulaire, depuis février 2007, d’un doctorat en droit immobilier en traitant, sous la direction du professeur Christian Atias, la question de l’i...
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