La loi du la loi n°2018-1021 du 23 novembre 2018 portant évolution du logement, de l’aménagement et du numérique, dite loi « ELAN » modifie en substance la loi du 10 juillet 1965.
Quels sont les principaux changements opérés par cette loi en matière de recouvrement de charges de copropriété ?
La loi ELAN élaborée à partir « d’études de terrain » a pour objectif, comme l’indique le Gouvernement, de « construire plus, mieux et moins cher ».
Pour mener à bien cet objectif, la loi ELAN procède à une simplification des normes et à une accélération des procédures.
Ainsi sur le plan des charges de copropriété, deux avancées majeures vont bouleverser le quotidien des syndics : une procédure accélérée de recouvrement des charges de copropriété (I) et le raccourcissement de la prescription (II)
I - LA PROCEDURE ACCELEREE DE RECOUVREMENT DES CHARGES DE COPROPRIETE : UNE AVANCEE ATTENDUE
La loi ELAN prévoit la création d’une « nouvelle procédure de recouvrement des charges », plus rapide et plus efficace.
Mais cette procédure est-elle réellement une nouveauté ?
La loi Solidarité et renouvellement Urbain (SRU) du 13 décembre 2000 avait incorporé un nouvel article 19-2 à la Loi du 10 juillet 1965.
Cet article visait la création d’une nouvelle procédure de recouvrement, utilisée en cas de défaut de paiement d’une provision du budget, et rendant exigible l’intégralité de la part de budget revenant au copropriétaire débiteur après mise en demeure restée infructueuse pendant 30 jours.
Cette procédure dite « comme en matière de référé » avait pour principal intérêt d’être rapide en ce qu’elle adoptait la forme des procédures en référé mais permettait tout de même d’obtenir une décision dite au fond revêtue de l’autorité de la chose jugée sur les questions tranchées.
Cependant cette action, dénommée par la pratique « action en déchéance du terme », était limitée dans son champ d’application car, en effet, elle ne pouvait être utilisée que pour le recouvrement des échéances futures du budget prévisionnel laissant ainsi la question des charges antérieures à l’appréciation des juges plus classiquement saisis.
Elle était de fait très peu utilisée par les professionnels.
La loi ELAN, face à la question de ces charges de copropriété a voulu opérer une réforme efficace.
A- LA LOI ELAN : UN OBJECTIF LARGE
Pour appréhender cette « nouvelle procédure », il convient de se pencher sur le nouvel article 19-2 de la loi du 10 juillet 1965 qui dispose désormais qu’:
« à défaut du versement à sa date d’exigibilité d’une provision (…) et après mise en demeure restée infructueuse passé un délai de trente jours, les autres provisions non encore échues en application des mêmes articles 14-1 ou 14-2 ainsi que les sommes restant dues appelées au titre des exercices précédents après approbation des comptes deviennent immédiatement exigibles. »
Il en ressort que 30 jours après une mise en demeure demeurée infructueuse, le copropriétaire défaillant peut désormais se voir condamner à régler non seulement les appels provisionnels avenir mais aussi les charges non réglées et issues des exercices précédents ou encore celles découlant de travaux votés hors budget… Cette nouvelle mesure pallie les écueils précédemment évoqués.
2- LA LOI ELAN : UN OBJECTIF DE CELERITE
En pratique, la mise en demeure infructueuse pendant 30 jours, permet au syndic de copropriété de saisir le Président du Tribunal de grande instance compétent, lequel statuera « comme en matière de référé ».
Plus clairement, cette procédure, mal connue des professionnels de l’immobilier, est définie par l’article 492-1 du Code de procédure civil, selon lequel, lorsqu'il est prévu que le juge statue "comme en matière de référé" ou "en la forme des référés", le juge exerce les pouvoirs dont dispose la juridiction au fond et statue par une ordonnance ayant l'autorité de la chose jugée relativement aux contestations qu'elle tranche, et l'ordonnance est alors exécutoire à titre provisoire, à moins que le juge en décide autrement.
En d’autres termes, cette procédure bénéficie de la célérité propre à la procédure des référés tout en permettant au syndicat et à son syndic d’obtenir une décision permettant, par exemple, d’initier des mesures d’exécution comme par exemple une saisie immobilière.
Ainsi, célérité et efficacité se veulent les maîtres mots de cette « nouvelle » procédure qui, comme vous l’avez certainement compris, n’est qu’une amélioration d’une procédure existant depuis 2000.
Il est simplement curieux qu’il ait fallu attendre 18 années pour que cette simple avancée soit opérée.
En résumé : à défaut de règlement sous 30 jours après réception d’une mise en demeure édictant clairement les différents types de charges et échéances dues, le syndic peut faire condamner le copropriétaire au règlement des arriérés, des provisions sur charges et des travaux hors budget par le biais d’une procédure accélérée.
II-LE DELAI DE PRESCRIPTION : UNE REFORME PAS NECESSAIREMENT PENALISANTE
Jusqu’au 24 novembre 2018, l’article 42 de la loi du 10 juillet 1965 prévoyait les délais de prescription suivants :
Ainsi le délai de prescription des actions personnelles nées de l’application du statut de la copropriété est désormais de 5 ans, les dispositions de l’article 2224 du code civil étant désormais applicables en la matière.
En outre, la notification du procès-verbal d’assemblée générale doit dorénavant être réalisée par le syndic dans un délai d’1 mois à compter de la tenue de l’assemblée générale. Le non-respect de ce délai n’est toujours pas assorti d’une quelconque sanction.
Ces dispositions étant d’application immédiates, le délai de prescription passe donc à 5 années pour les dettes et actions personnelles nées au 23 novembre 2018.
Quant aux actions exercées avant l’entrée en vigueur de cette loi, l’action (quel qu’en soit le stade de la procédure) reste soumise à l’ancien délai de 10 années.
Ajoutons que pour les dettes et créances nées avant l’entrée en vigueur de la loi ELAN, le nouveau délai court au jour de l’entrée en vigueur de cette même loi, sans toutefois que la durée totale ne puisse dépasser le délai de prescription prévu par la loi ancienne (article 2222 du code civil).
Quelques exemples paraissent nécessaires afin d’illustrer ces propos :
Exemple n°1 : Un syndic souhaite recouvrer une créance de charges de copropriété née en 2011. Sous l’empire de la loi ancienne le délai étant de 10 ans, l’action serait donc prescrite en 2021.
Sous l’empire de la loi nouvelle, pour cette même créance, le délai pour agir est de 5 ans. L’action court à compter du 23 novembre 2018 et se prescrirait donc en 2023.
Il faut toutefois, retirer à ce délai deux années puisque le délai pour agir ne peut dépasser l’ancienne prescription soit 10 années.
2011-2023 = 12 ans.
2023 - 2 ans = 10 ans (ancien délai de prescription à ne pas dépasser)
Ainsi, l’action se prescrira donc en 2021.
Exemple n°2 : Un syndic souhaite recouvrer une créance de charges de copropriété née en 2016. Sous l’empire de l’ancienne loi le délai était de 10 ans, l’action aurait alors été prescrite en 2026.
Avec la loi nouvelle l’action étant de 5 années et courant à compter du 23 novembre 2018, le syndic peut donc agir jusqu’en 2023.
Que les professionnels de la copropriété se rassurent donc, cette réforme n’est pas pénalisante et nécessite une simple gymnastique intellectuelle.