Les programmes immobiliers étant de plus en plus ambitieux, il est particulièrement fréquent de croiser d‘importantes copropriétés comportant plusieurs bâtiments.
Dans un souci de fluidité de leur gestion, il est possible, en leur sein, de procéder à une distinction entre les parties communes générales composées d’une infrastructure utile à tous (terrain assiette, voie d’accès…) et des parties communes particulières à chaque bâtiment, ne présentant d’intérêt qu’à l’égard des copropriétaires du bâtiment considéré (gros œuvre de chaque immeuble, installations propres du bâtiment) ( Cass Civ 3e 6 novembre 1969, n°67-13817, D.1970, p286)
Cette double répartition des parties communes sera effectuée par le règlement de copropriété, ce qui aura pour conséquence l’attribution à chaque lot de copropriété d’une quote-part des parties communes générales et d’une quote-part des partes communes particulières à chaque bâtiment (Cass Civ 3e 21 février 1978, n°76-14288, rev Loyers 1978, p271).
Cette situation se traduit généralement dans l’état descriptif de division par la coexistence de millièmes dits généraux et des millièmes propres à chaque bâtiment.
Cette affectation spécifique aura, en outre, pour conséquence logique que les parties communes spéciales seront la propriété indivise des seuls copropriétaires de l’immeuble les comprenant (CA Paris 20 mars 1971, Chevalier c/Sté la GERANCE DE LA MADELEINE, Cass Civ 3eme 11 octobre 1995, n°94-11308.)
Il en découle que l’institution de telles parties communes spéciales affectées de tantièmes particuliers créera une « propriété indivise entre les copropriétaires concernés excluant tout droit de propriété des autres copropriétaires sur cette partie commune et ce même en l’absence de syndicat secondaire » (Cass Civ 3ème 19 novembre 2014 n°13 18925)
Par conséquent, les décisions concernant ces parties communes spéciales ne pourront être prises que par les copropriétaires ayant des droits sur elles.
Cette prise de décision interviendra en principe au cours d’assemblées générales spéciales (TGI PARIS 12 mars 1984 D 1984 p381 inf rap) ou par spécialisation d’une question au cours d’une assemblée générale « ordinaire » (CA Versailles 4ème Ch 23 sept 2002 Rev Administrer févr 2003 p.51)
Retenons néanmoins, s’agissant de cette question du vote que la décision sus citée de la Cour de Cassation, en date du 19 novembre 2014, semble sous-entendre que l’existence de parties communes spéciales implique la nécessaire tenue d’assemblées spéciales.
S’agissant de la répartition des charges de copropriété, il est indubitable que l’existence de parties communes spéciales induira une spécialisation de la répartition des charges.
Ainsi, en application de l’article 10 alinéa 2 de la Loi du 10 juillet 1965, la répartition des charges relatives à la conservation, à l’entretien et à l’administration des parties communes se fera sur la base des valeurs relatives des parties communes comprises dans chaque lot telles que ces valeurs résultent des dispositions de l’article 5 de la même loi.
Selon ces dispositions, les valeurs relatives sont fonction de la consistance, de la superficie et de la situation des lots dont la prise en considération peut justifier l’affectation d’une double quote-part de partie communes, l’une afférente aux parties communes générales l’autres concernant les parties communes spéciales, ce qui est le cas en l’espèce.
Cette double répartition des parties communes, débouchant sur la spécialisation des charges, est donc la conséquence normale de la création de parties communes particulières.
Ce principe a été réaffirmé par deux décisions de la Cour de Cassation qui souligne que l’existence de parties communes spéciales dans le règlement de copropriété implique nécessairement un répartition des charges tenant compte de cette spécialité.
C’est ainsi que la Cour de Cassation a jugé le 8 juin 2011 que « la création dans le règlement de copropriété de parties communes spéciales a pour corollaire l’instauration de charges spéciales. »
Une jurisprudence constante établit que faute d’une affectation spécifique dans son lot, un copropriétaire doit être exonéré des charges de conservation, d’administration et d’entretien des parties communes spéciales situées dans un autre immeuble que le sien. (CA PARIS 24 juin 1981, AJPI 1982, p.99, RTD Civ 1982, P444.)
Ainsi « le titulaire d’un lot ne peut avoir à contribuer aux charges afférentes à des parties communes sur lesquelles il n’a aucun droit indivis.» ( TGI Paris, 24 juin 1981, D1982, p.1265).
L’existence de telles parties communes spéciales impliquera donc une grande prudence du professionnel chargé de les administrer et notamment s’agissant de la répartition des différentes charges découlant de travaux affectant ces parties communes spéciales.
Rappelons ainsi que par un
arrêt du 17 mars 2016, la cour de cassation a estimé que «
l’assemblée générale des copropriétaires (…) avait définitivement décidé de procéder au remplacement des garde-corps, retenu la proposition d’une entreprise (…) et autorisé le syndic à procéder aux appels de fonds relatifs aux travaux selon la clé de répartition des charges générales », si bien «
qu’à moins qu’elle ne soit annulée, cette décision s’imposait à tous les copropriétaires », et «
les charges étaient dues selon la clé de répartition retenue par elle ».
Cette décision ne traite, certes, pas directement de la notion de parties communes spéciales mais peut être néanmoins transposée ou tout du moins rapprochée d’une décision rendue le 13 novembre 2013 par la cour de cassation, qui a jugé qu’une cour d’appel avait, à bon droit, fait application d’une résolution contraire aux dispositions d’ordre public de l’article 10 al.1er de la loi du 10 juillet 1965 et au règlement de copropriété, et qui prévoyait la participation d’un copropriétaire au financement de travaux de réfection d’une cage d’escaliers, alors même que son lot n’était pas desservi par lesdits escaliers.
Pour la juridiction suprême, il importe donc peu que la clé de répartition retenue par l’assemblée soit illégale ou contraire au règlement.
Si la résolution n’a pas été contestée dans le délai de l’article 42 de la Loi du 10 juillet 1965, elle devient définitive.
Faute de contestation dans le délai légal, le syndic d’a pas d’autre choix que de l’exécuter.