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La Loi « Habitat dégradé » du 09 avril 2024, la copropriété et l’ASL.


La Loi « Habitat dégradé » du 09 avril 2024, suite au rapport HANOTIN-LUTZ d'octobre 2023, a été élaborée pour répondre à l'urgence de la rénovation de l'habitat en France. Avec environ 110 000 copropriétés considérées comme fragiles, cette loi a pour objectifs principaux de prévenir la dégradation des logements, accélérer leur réhabilitation et lutter contre les marchands de sommeil.

Impact sur les Copropriétés et les Associations Syndicales Libres (ASL) Cette loi introduit plusieurs mesures affectant la gestion quotidienne des copropriétés et des ASL, des structures souvent confrontées à des difficultés similaires mais traditionnellement oubliées par les législations.

I.) Dispositions sur l'administration courante et les travaux à réaliser dans les copropriétés et ASL

A. Administration courante des copropriétés

1. Le Registre d'immatriculation des copropriétés (Article 25 de la Loi / L711-2 CCH)

La loi ALUR de 2014 avait instauré une obligation d'immatriculation pour les syndicats de copropriétaires. Depuis le 1er janvier 2019, ces syndicats doivent être enregistrés dans un registre national tenu par l'Agence Nationale de l'Habitat (ANAH). Ce registre contient des informations administratives, juridiques, financières et techniques sur les copropriétés.

Toutefois, sa rigidité initiale limitait son utilité. La Loi « Habitat dégradé » élargit le contenu de ce registre pour inclure des données sur la situation financière des copropriétés, les caractéristiques techniques des bâtiments, et les procédures administratives ou judiciaires en cours.

Cela vise à fournir une meilleure connaissance de l'état des copropriétés et à aider les services de l'État et les collectivités territoriales à repérer et accompagner les copropriétés en difficulté. Malgré ces améliorations, le registre reste sous-utilisé, notamment par les petites copropriétés et celles gérées par des syndics bénévoles.

2. Accès aux parties communes pour les Commissaires de Justice (Article 36 de la Loi / L126-14 CCH)

La loi permet désormais aux commissaires de justice d'accéder aux parties communes des immeubles pour accomplir leurs missions, y compris l'affichage. Le syndic doit fournir les moyens d'accès nécessaires (codes, clés) dans un délai de cinq jours après la demande.

3. Révocation du syndic par le conseil syndical (Article 38 de la Loi / Article 18 de la Loi du 10 juillet 1965)

Pour les contrats de syndic conclus depuis le 4 juillet 2020, la résiliation anticipée peut être demandée par le conseil syndical en cas d'inexécution grave du syndic. La loi précise que le syndic doit convoquer une assemblée générale dans les deux mois suivant la demande de résiliation. En cas de carence du syndic, le président du conseil syndical est habilité à la convoquer.

4. Notification électronique (Article 38 de la Loi / Article 42-1 de la Loi du 10 juillet 1965)

La loi fait de la notification électronique la norme pour les copropriétés. Les copropriétaires peuvent demander à tout moment de continuer à recevoir des notifications par voie postale. Cette transition doit être encadrée par des décrets pour éviter les abus et garantir l'accessibilité à tous les copropriétaires.

5. Saisie conservatoire des impayés de provisions (Article 19 de la Loi / L511-2 CPCE)

Le syndicat des copropriétaires peut désormais pratiquer une saisie conservatoire sur les comptes bancaires des copropriétaires débiteurs sans décision de justice pour les provisions dues. Cette saisie ne concerne pas les arriérés de charges. Pour exercer cette saisie, une mise en demeure doit rester infructueuse pendant 30 jours, suivie d'une procédure judiciaire dans le mois suivant la saisie. Ce mécanisme vise à prémunir le syndicat contre l'insolvabilité organisée des copropriétaires débiteurs.

6. L’information en cas de procédure relevant de l’exercice de la police de la sécurité et de la salubrité des immeubles, locaux et installations (Loi : art. 34 / art. 18, I Loi du 10 juillet 1965 et L. 271-4 CCH)

Avant la modification apportée par la Loi "HABITAT DEGRADE", l'article 18 de la Loi du 10 juillet 1965 imposait au syndic l'obligation d'informer les occupants de l'immeuble des décisions prises par l'assemblée générale, notamment en ce qui concerne la maintenance, l'entretien, les travaux et la présence du personnel ou des prestataires. Cette information devait être affichée ou déposée dans les parties communes de l'immeuble.

Suite à la modification de cet article par la Loi "HABITAT DEGRADE", le syndic doit également informer les occupants et copropriétaires en cas de procédure relevant de la police de la sécurité et de la salubrité des immeubles. Cette obligation s'étend jusqu'à la vente d'un lot en copropriété, où le syndic doit transmettre les arrêtés pris au titre de la police de la sécurité et de la salubrité des immeubles aux notaires et acquéreurs.

7. L’assemblée générale et le signataire d’un arrêté de police de la sécurité et de la salubrité (Loi : art. 37 / Art.29-16 Loi du 10 juillet 1965)

Un nouvel article 29-16 a été ajouté à la Loi du 10 juillet 1965, stipulant que le signataire d'un arrêté de police est destinataire du procès-verbal de l'assemblée générale de copropriété et peut assister ou se faire représenter à ladite assemblée pour formuler des observations sur les questions à l'ordre du jour.

Cependant, des ambiguïtés dans la rédaction de cet article soulèvent des questions. Il n'est pas précisé si l'autorité signataire doit être convoquée à l'assemblée ou simplement notifiée de son procès-verbal. De plus, la mention de "l'assemblée générale de copropriété" est floue, ne précisant pas si elle concerne celle directement liée à l'arrêté en question.

Ainsi, pour garantir une meilleure information et participation de l'autorité signataire à l'assemblée générale, des clarifications ou une révision du texte semblent nécessaires.

B.) Les Travaux, leur vote et leur financement

1. Diagnostic structurel de l’immeuble et le PPPT (Article 27 de la Loi/ L126-6-1 CCH)

La loi introduit un nouvel article au Code de la construction et de l’habitation, permettant aux communes de définir des secteurs où tout bâtiment d'habitation collectif doit faire l'objet d'un diagnostic structurel tous les dix ans. Ce diagnostic vise à évaluer les désordres affectant la solidité du bâtiment et les risques pour la sécurité des occupants. Ce dispositif rappelle le Projet de Plan Pluriannuel de Travaux (PPPT) instauré par la Loi "Climat et Résilience", mais s'applique à un spectre plus large d'immeubles.

2. Vote des travaux de rénovation énergétique et retour de la passerelle de l’article 25-1 (Article 40 de la Loi/ 25/25-1 de la Loi du 10 juillet 1965)

L'ordonnance du 30 octobre 2019 a modifié la passerelle de l'article 25-1, facilitant le vote des travaux en assemblée générale. Cependant, la suppression de cette passerelle a été perçue comme une erreur, notamment dans le contexte de la transition énergétique. La Loi "HABITAT DEGRADE" rétablit cette passerelle pour les travaux d'économie d'énergie. Cela permet de faciliter la prise de décision en assemblée générale pour ces travaux, mais suscite des interrogations sur d'autres situations nécessitant une prise de décision rapide.

3. Travaux d'isolation de la toiture ou du plancher à l'initiative d'un ou plusieurs copropriétaires (Article 40 de la Loi/ 25-2-1 de la Loi du 10 juillet 1965)

La Loi "HABITAT DEGRADE" permet à un ou plusieurs copropriétaires d'initier, à leurs frais, des travaux d'isolation thermique de la toiture ou du plancher affectant les parties communes de l'immeuble. Cela supprime la nécessité d'une décision collective pour ces travaux, mais nécessite une notification au syndic et une autorisation en assemblée générale. Cependant, des précisions sont nécessaires sur les modalités de cette démarche.

4.Le financement des travaux par un véritable emprunt collectif global du syndicat des copropriétaires  et l'emprunt pour les ASL (Article 4 de la Loi/ 26-4 et 26-9 à 26-13 de la Loi du 10 juillet 1965)

La loi Warsmann a ouvert la voie à l'emprunt collectif en permettant au syndicat de copropriétaires de souscrire des emprunts pour le financement de travaux sur les parties communes, ainsi que pour certains travaux d'intérêt collectif sur les parties privatives. Cependant, cette loi exigeait généralement une majorité qualifiée pour approuver ces emprunts, sauf dans le cas du préfinancement de subventions publiques.

La loi Habitat Degrade de 2024 est venue compléter et améliorer le dispositif de l'emprunt collectif en introduisant un nouvel emprunt global collectif en copropriété. Cette nouvelle loi permet aux syndicats de copropriétaires de souscrire des emprunts pour financer un éventail plus large de travaux, y compris ceux nécessaires à la conservation de l'immeuble, les travaux obligatoires ou ceux visant à améliorer l'efficacité énergétique.
Les dispositions de la loi Habitat Degrade précisent également les modalités de souscription de ces emprunts, les conditions d'adhésion des copropriétaires, les obligations de remboursement, ainsi que les garanties et les conditions d'attribution de l'emprunt. Elle offre ainsi un cadre plus flexible et mieux adapté aux besoins des copropriétés pour financer les travaux nécessaires.

En ce qui concerne les Associations Syndicales Libres (ASL), la loi Habitat Degrade prévoit également la possibilité pour ces entités de souscrire des emprunts collectifs pour financer des travaux sur les parties communes ou d'intérêt collectif sur des parties privatives. Cela témoigne d'une prise en compte croissante des besoins de financement dans différents types de structures collectives immobilières.

Cependant, le texte souligne également certaines lacunes et erreurs rédactionnelles dans les dispositions législatives, soulignant ainsi la nécessité d'une révision continue et d'une adaptation des lois pour mieux répondre aux besoins et aux réalités des copropriétés et des ASL.

II.) Les dispositions relatives aux copropriétés fragiles ou en difficulté.

A. Les Mesures propres aux organes de redressement des copropriétés fragiles ou en difficulté

1. Les conditions de désignation du mandataire ad’hoc :

  • Le mandataire ad hoc est un acteur clé dans la résolution des problèmes financiers et techniques des copropriétés en difficulté. Sa désignation est conditionnée par un seuil d'impayés défini par la loi, ce qui assure une certaine objectivité dans le processus.
  • L'extension des cas où le mandataire ad hoc peut être désigné, en l'absence de vote de l'assemblée générale sur l'approbation des comptes depuis au moins deux années, montre une volonté législative d'intervenir plus tôt dans les situations problématiques.
  • La responsabilisation des syndics en cas de non-déclenchement des procédures nécessaires pour désigner un mandataire ad hoc est une mesure dissuasive visant à garantir une réaction rapide face aux difficultés rencontrées par la copropriété.


2. L’administrateur provisoire
:

L'administrateur provisoire est une mesure d'urgence destinée à remédier à des situations critiques où le syndicat est incapable de fonctionner normalement.

  • La nouvelle disposition selon laquelle les syndics peuvent être tenus responsables des frais d'administration provisoire en cas de non-action soulève des questions sur l'impact financier pour les syndics et pourrait potentiellement modifier leur approche face aux copropriétés en difficulté.
  • La suspension des créances et des poursuites pendant une période déterminée vise à apaiser les tensions financières et à permettre une restructuration sans interférence extérieure.


3. La création du Syndic d’intérêt collectif
:

  • Cette nouvelle entité représente une approche novatrice pour faire face aux problèmes des copropriétés fragiles en fournissant une assistance spécialisée.
  • Les critères d'agrément sont essentiels pour garantir que les syndics d'intérêt collectif possèdent les compétences nécessaires pour remplir leur mission avec efficacité.
  • Cependant, des clarifications supplémentaires seront nécessaires concernant la durée de validité de l'agrément et les modalités de coopération avec les syndics existants afin d'éviter les chevauchements ou les conflits de compétence.


B. Les nouveaux outils du redressement des copropriétés fragiles ou en difficulté

1. La présomption simple de graves difficultés financières en matière de carence (Article 49 de la Loi/ L615-6 du CCH):

  • Il évoque les conditions dans lesquelles un syndicat de copropriétaires peut être déclaré en état de carence en raison de graves difficultés financières ou de gestion.
  • La loi "HABITAT DEGRADE" introduit une présomption de carence si les comptes du syndicat ne sont pas communiqués à l'expert dans les deux mois suivant la demande.

2. La sortie d’une copropriété en difficulté membre d’une union de syndicats (Article 39 de la Loi/ 29 de la Loi du 10 juillet 1965)
:

  • Il traite des règles entourant la sortie d'un syndicat de copropriétaires d'une union de syndicats, en particulier lorsque la copropriété est en difficulté.
  • La Loi "HABITAT DEGRADE" précise que le retrait de l'union peut être décidé par l'assemblée générale du syndicat à la majorité prévue à l'article 25.

3. Les opérateurs et l’éclatement de la copropriété en difficulté (Article 43 de la Loi/ L.303-1-1 (OPAH), L.615-1 (Plan de sauvegarde), L.741-3 (ORCOD/IN) du CCH):

  • Il aborde la possibilité d'éclater une copropriété en difficulté en créant des syndicats secondaires ou en procédant à une scission, afin de mieux gérer les parties saines de la copropriété.
  • La Loi "HABITAT DEGRADE" étend la portée de ces mécanismes aux opérateurs chargés d'opérations d'aménagement stratégique.

4. La sortie de l’immeuble, inclus dans une ORCOD, d’une ASL (Article 43 de la Loi/ L.741-4 du CCH)
:

  • Il traite de la possibilité de sortir un immeuble d'une ASL lorsqu'il fait partie d'une ORCOD et que son inclusion engendre des difficultés de gestion.
  • La loi prévoit des procédures pour dissoudre l'ASL ou distraire l'immeuble de celle-ci, avec des conséquences spécifiques en cas de dissolution.

5. La prise de possession anticipée de l’immeuble dans le cadre d’ORCOD
(Article 44 de la Loi/ L.522-1, L.523-1 à L.523-7 du Code de l’expropriation pour cause d’utilité publique)

La prise de possession anticipée d'un bien exproprié est généralement soumise à des conditions strictes. Cependant, dans le contexte de la lutte contre l'habitat dégradé, des dispositions spécifiques ont été établies. Cette prise de possession peut être autorisée dans plusieurs cas, notamment pour les immeubles indignes, ceux en état de carence, ou en cas d'urgence extrême, comme pour les immeubles dégradés situés dans une ORCOD-IN.

La loi "HABITAT DEGRADE" élargit cette procédure aux ORCOD de droit commun. Elle permet la prise de possession anticipée d'immeubles dégradés dans le périmètre d'une ORCOD dès lors que des risques sérieux pour la sécurité des occupants sont identifiés et qu'un projet de relogement est établi. Cette procédure suit les modalités de la loi sur l'expropriation pour cause d'utilité publique, avec des adaptations spécifiques.

6. Un nouveau régime de concession pour la réhabilitation des copropriétés dégradées (Article 21 de la Loi/ L.300-10 Code de l’urbanisme)

La loi "HABITAT DEGRADE" instaure un nouveau régime de concession visant la réhabilitation des copropriétés dégradées. Ce régime concerne les immeubles visés par un arrêté de police de traitement de l'insalubrité, l'intervention dans le cadre d'une OPAH, la mise en œuvre d'un plan de sauvegarde ou la participation à une ORCOD. Les contrats de concession définissent les actions à réaliser, notamment celles liées au foncier ou à l'immobilier, ainsi que les modalités de leur mise en œuvre.

7. L’expropriation des parties communes ou leur rachat par l’opérateur (Article 10 de la Loi/ L.615-10 du CCH)

La loi "HABITAT DEGRADE" prolonge l'expérimentation de l'expropriation des seules parties communes jusqu'en 2034. Elle introduit également un nouveau dispositif expérimental permettant le rachat temporaire par un opérateur des parties communes ou du terrain d'assiette d'une copropriété en difficulté. Ce dispositif vise à permettre la rénovation physique et énergétique des parties communes délaissées par les copropriétaires. Les conventions entre les copropriétaires et l'opérateur définissent les modalités de cette cession temporaire, y compris la durée maximale, les conditions de rachat et les travaux de rénovation à réaliser.

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M.SUBLET est titulaire d’un diplôme Master I, I.C.H. (Institut des études économiques et juridiques appliquées à la Construction et à l’Habitation – Section Construction) et d’un diplôme Master II, ...
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Benjamin NAUDIN
Me Benjamin NAUDIN est titulaire, depuis février 2007, d’un doctorat en droit immobilier en traitant, sous la direction du professeur Christian Atias, la question de l’i...
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