L'article 656 du Code civil introduit une modalité peu commune pour l'extinction de la mitoyenneté : l'abandon par l'un des copropriétaires. Ce retrait unilatéral et discrétionnaire est assimilé à un déguerpissement.
Le déguerpissement désigne l'acte d'abandon de la propriété ou de la possession d'un bien afin d'échapper aux charges foncières ou obligations réelles qui y sont attachées. Traditionnellement, la possibilité d'abandonner un bien découle de la nature réelle des obligations qui lui sont liées. Ainsi, le propriétaire doit avoir la faculté de s'en libérer simultanément avec son droit réel sur le bien.
En principe, maintenir un copropriétaire dans la mitoyenneté n'est pas envisageable, sauf dans les cas prévus par la loi.
1.) Les conditions d'abandon de la mitoyenneté
a) Absence d'avantage tiré du mur par l'auteur de l'abandon
L'article 656 du Code civil exclut la possibilité d'abandonner la mitoyenneté d'un mur lorsque celui-ci soutient un bâtiment appartenant au copropriétaire. La jurisprudence a étendu cette restriction aux cas où le copropriétaire bénéficie d'avantages liés au mur. Par exemple, il est impossible d'abandonner la mitoyenneté si le mur contribue à l'écoulement des eaux provenant partiellement du fonds du copropriétaire, conformément à l'article 667 du Code civil, ou s'il sert de soutènement. La Cour de cassation a également précisé qu'un copropriétaire désirant déguerpir doit prouver qu'il ne tire plus aucun avantage particulier du mur mitoyen.
b) Absence de dette de contribution aux dépenses d'entretien et de réparation
Bien que le Code civil ne l'évoque pas, abandonner la mitoyenneté est subordonné à l'absence de dette de contribution aux dépenses d'entretien et de réparation prévues à l'article 655 du Code civil. Ainsi, un copropriétaire ne peut pas exercer son droit d'abandon s'il n'a pas réglé ses dettes de réparation et d'entretien, surtout si celles-ci résultent de sa faute ou d'un défaut d'entretien préexistant.
2.) Modalités d'abandon de la mitoyenneté
L'abandon de la mitoyenneté d'un élément séparatif est un acte juridique unilatéral. Ainsi, il n'est pas nécessaire que le voisin consente à cet abandon. Cependant, l'acte doit être réalisé par une personne capable et exempte de tout vice de consentement.
3.) Objet et forme de l'acte d'abandon
Comme le droit de propriété, la mitoyenneté est divisible. Par conséquent, l'acte d'abandon peut porter sur une partie de l'élément séparatif. Aucun formalisme particulier n'est exigé pour cet acte, qui peut être établi par acte authentique ou sous seing privé.
4.) Publicité et notification de l'acte d'abandon
L'acte d'abandon doit faire l'objet de formalités de publicité afin d'être opposable aux tiers. La notification à l'autre copropriétaire peut être requise pour régulariser l'acte, surtout pour l'établissement d'un acte authentique. En cas de non-respect des formalités de publicité, il est possible de recourir à la justice pour constater le déguerpissement, rendant ainsi l'acte opposable aux tiers.
5.) Les effets de l'abandon de la mitoyenneté
a.) Les effets pour le copropriétaire qui abandonne la mitoyenneté
L'abandon de la mitoyenneté entraîne deux conséquences pour celui qui le réalise : un effet abdicatif et un effet libératoire.
Effet abdicatif : L'abandon de la mitoyenneté prive son auteur de tout droit réel sur l'élément séparatif, ainsi que sur la partie du sol qui lui est liée. Par conséquent, il lui est interdit d'utiliser le mur à des fins privatives, notamment de l'appuyer ou d'y adosser une construction. Toutefois, cet effet n'est pas définitif, car l'abandonneur conserve la possibilité de recouvrer la mitoyenneté selon les dispositions de l'article 661 du Code civil.
Effet libératoire : L'abandon de la mitoyenneté libère son auteur des charges d'entretien et de conservation de la clôture, telles que prévues à l'article 656 du Code civil. C'est là l'avantage principal de cet acte. Néanmoins, l'auteur de l'abandon demeure tenu de contribuer aux dépenses générées par son propre fait ou celles dues au moment de l'exercice de son droit d'abandon.
b.) Les effets pour le copropriétaire qui subit l'abandon de la mitoyenneté
L'abandon de la mitoyenneté par un copropriétaire a un effet translatif sur celui qui subit cet abandon, car il devient propriétaire exclusif de l'élément séparatif.
Désormais, il est seul responsable de la clôture et peut décider de son utilisation sans l'accord de l'auteur de l'abandon, qui perd toute possibilité d'en bénéficier, notamment en adossant une construction ou en pratiquant des enfoncements.
En conséquence, le copropriétaire devenu unique propriétaire est responsable des frais d'entretien et de conservation du mur, à moins qu'il renonce simultanément à la mitoyenneté. Dans ce cas, la démolition du mur sera effectuée à frais partagés et l'emprise au sol sera divisée en deux.
Les membres du Cabinet NAUDIN se tiennent à votre disposition afin d'échanger sur vos problèmes de mitoyenneté.