(Commentaire de la décision de la chambre mixte de la Cour de Cassation du 24 février 2017 n°15-20.411)
En l’espèce un bailleur représenté par son agent immobilier fait délivrer à sa locataire, d'un local à usage d'habitation lui appartenant, un congé avec offre de vente. Sa locataire l'a assigné en nullité du congé en invoquant la violation des prescriptions formelles de la loi HOGUET et de son décret d’application. La Cour d’appel d’Aix-en-Provence dans un arrêt en date du 23 avril 2015, objet du pourvoi avait rejeté l’ensemble des demandes de la locataire.
La question posée à la Cour de cassation était de savoir si la locataire, tiers au contrat de mandat liant le bailleur à son agent immobilier, pouvait se prévaloir de la violation des dispositions de loi du 2 janvier 1970 (loi HOGUET) ?
La Locataire réclamait la protection des dispositions légales d’ordre public issues de la loi HOGUET, alors même qu’elle bénéficie déjà d’une protection particulière conformément à la loi n°89-462 du 6 juillet 1989, qui encadre la délivrance d'un congé pour vendre au locataire d'un local à usage d'habitation qui constitue sa résidence principale, en posant notamment des conditions de délai, en ouvrant un droit de préemption et en imposant la délivrance d'une notice d'information avec le congé (protection renforcée depuis par la loi n°2014-366 du 24 mars 2014 (loi ALUR) et la loi n°2015-990 du 6 août 2015 pour la croissance, l’activité et l’égalité des chances économiques (loi MACRON)).
En l’espèce, l’agent immobilier était titulaire d'un mandat d'administration et de gestion, avec pouvoir de donner tous congés, et d'une lettre la mandatant spécialement pour vendre le bien occupé au terme du bail moyennant un certain prix et pour lui délivrer congé.
Il résulte des articles 1er, 6 et 7 de la loi n° 70-9 du 2 janvier 1970 et 72 du décret du 20 juillet 1972 que le mandat doit comprendre une limitation de ses effets dans le temps et que l'agent immobilier doit mentionner tous les mandats par ordre chronologique sur un registre des mandats à l'avance coté sans discontinuité et relié, et reporter le numéro d'inscription sur l'exemplaire du mandat qui reste en la possession du mandant.
La Cour de cassation jugeait auparavant que ces dispositions qui sont d'ordre public, sont prescrites à peine de nullité absolue, pouvant être invoquée par toute partie qui y a intérêt (1re Civ., 25 février 2003, pourvoi n° 01-00. 461 ; 3e Civ., 8 avril 2009, pourvoi n° 07-21. 610, Bull. 2009, III, n° 80).
L’ordonnance n°2016-131 du 10 février 2016 portant réforme du droit des contrats, du régime général et de la preuve des obligations a consacré la distinction jurisprudentielle entre nullité absolue et nullité relative fondée sur la nature de l’intérêt protégé. La nullité est absolue lorsque la règle violée a pour objet la sauvegarde de l'intérêt général, tandis que la nullité est relative lorsque la règle violée a pour objet la sauvegarde d'un intérêt privé (article 1179 nouveau du code civil).
Comme l’indique la Cour de cassation dans sa décision, par la loi du 2 janvier 1970 réglementant les conditions d'exercice des activités relatives à certaines opérations portant sur les immeubles et les fonds de commerce, dite loi HOGUET, le législateur a entendu, tout à la fois, réguler la profession d'agent immobilier et protéger sa clientèle. Il en est de même par la loi n° 2014-366 du 24 mars 2014 pour l'accès au logement et à un urbanisme rénové, comme il ressort de son étude d'impact, et la loi n° 2015-990 du 6 août 2015 pour la croissance, l'activité et l'égalité des chances économiques répondent aux mêmes préoccupations.
Comme l’indique la Cour de cassation, l’évolution du droit des obligations, résultant de l'ordonnance n° 2016-131 du 10 février 2016, « conduit à apprécier différemment l'objectif poursuivi par les dispositions relatives aux prescriptions formelles que doit respecter le mandat, lesquelles visent la seule protection du mandant dans ses rapports avec le mandataire ».
De ce fait la Cour de cassation considère que « l'existence de dispositions protectrices du locataire, qui assurent un juste équilibre entre les intérêts de ce dernier et ceux du bailleur, et la finalité de protection du seul propriétaire des règles fixées par les articles 7, alinéa 1er, de la loi du 2 janvier 1970 et 72, alinéa 5, du décret du 20 juillet 1972 conduisent à modifier la jurisprudence et à décider que la méconnaissance des règles précitées doit être sanctionnée par une nullité relative ».
Ainsi pour la Cour de cassation, la cour d'appel n'était pas tenue d'effectuer une recherche inopérante relative à la mention de la durée du mandat et au report, sur le mandat resté en possession du mandant, d'un numéro d'inscription sur le registre des mandats.
Par cette décision la Cour de cassation opère un véritable revirement de jurisprudence.
Le CABINET NAUDIN, par le biais de Me Anne-Cécile NAUDIN, assiste tant les professionnels que les particuliers face à ce genre de difficultés.
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